Camondo, Isaac de (1850-1911)

Par Laure Schnapper

Issu de l’illustre famille italienne de banquiers installés à Constantinople, Isaac de Camondo hérite avec son cousin Moïse de la banque familiale tout en étant collectionneur d’art, mécène et compositeur. Il s’installe avec toute sa famille à Paris en 1867 ; son père Abraham se fait construire un hôtel 61 rue de Monceau, à côté de celui de son frère Nissim, qui se trouvait à l’emplacement de l’actuel Musée Camondo.

Passionné d’art et de musique, Isaac prend des cours de piano avec Henri Ravina (1818-1906) et des cours de composition avec Gaston Salvayre (1847-1907), qui a obtenu en 1872 le grand prix de Rome et avec lequel il entretiendra une amitié jusqu’à sa mort.

Dès l’âge de 30 ans, Camondo collectionne les objets d’art, dont les legs successifs ont enrichi différents départements du musée du Louvre ; ses peintures impressionnistes constituent notamment le principal fonds du musée d’Orsay, du Fifre de Manet aux danseuses de Degas en passant par les tableaux de la salle des Monet.

Entre 1870 et 1889, Camondo publie une quinzaine de pièces pour piano, essentiellement des polkas et des valses, ainsi que deux mélodies, La chanson du berger et Laisseras-tu mignonne, sur des textes de son ami Paul Choudens. Mais, ardent wagnérien – il se rend à Bayreuth dès l’ouverture du théâtre en 1876 puis y retourne en 1882 avec Léo Delibes (1836-1891) et Gaston Salvayre pour assister à la première de Parsifal -, il cherche une nouvelle voie et garde le silence de 1889 à 1903.

Le piano Erard de Camondo dans la salle des Degas à son domicile, 82 avenue des Champs-Elysées

Pendant ces 14 ans il ne publie pas mais se consacre au mécénat : il devient à partir de 1898, le principal commanditaire (pour environ 10% du capital) de l’Opéra-Comique, que dirige son ami Albert Carré, ainsi que, à partir de 1901, de l’Opéra. Il permet aussi et surtout à Gabriel Astruc (1864-1938), fils du rabbin Aristide Astruc, de créer en 1904 la Société musicale, – maison d’édition et agence de concerts -, à laquelle il est associé financièrement. En 1908, il devient actionnaire de la Société du théâtre des Champs-Élysées, mais sa mort l’empêche d’assister à l’inauguration de la salle en 1913.

La création de Pelleas et Mélisande de Debussy en 1902 à l’Opéra-Comique a pu l’inciter à se remettre à composer ; il va alors travailler activement, en adoptant un langage harmonique résolument moderne, voire expérimental. Près de 80 œuvres, éditées par Astruc, verront le jour, en majorité pour quatuor à cordes ou orchestre. Il les présente lors d’un concert qu’il organise à la salle Pleyel le 10 mars 1904, avec Lazare-Lévy au piano et Camille Chevillard, le directeur des concerts Lamoureux, à la baguette. Il donne ensuite au Nouveau-théâtre, en avril 1906, la « nouvelle musicale » Le Clown, sur un livret de Victor Capoul – dont le style récitatif n’est pas sans rappeler celui de Pelleas. L’ouvrage est repris à l’Opéra-Comique en juin 1908, ainsi qu’à Marseille, Vichy, Anvers et Cologne entre 1909 et 1912.

La reprise de la composition ne l’empêche pas de poursuivre ses activités de mécénat : en 1904 il fonde la Société des artistes et amis de l’Opéra, destinée à soutenir financièrement l’Association philanthropique de secours mutuel des artistes de l’Opéra, qui ne permettait plus d’assurer une retraite décente aux adhérents.

Il prend aussi une part active à la vie musicale : après avoir adhéré en 1909 à la Société française des amis de la musique, dont le but est de propager le goût et l’étude de la musique et permettre aux artistes pauvres de faire jouer leur musique, il aide la comtesse Greffulhe, présidente de la Société des grandes auditions musicales de France, à patronner la saison des ballets russes en 1910 et soutient la Société musicale indépendante (SMI). Partageant sa vie avec Lucie Berthet, soprano à l’Opéra, Camondo est toujours prompt à aider les musiciens, parmi lesquels on trouve Wanda Landowska, arrivée à Paris en 1900, et le jeune Lazare-Lévy. Il décède brutalement en 1911 dans son appartement, alors que son opéra Le clown est programmé à Cologne pour l’année suivante.

De g. à d. : G. Salvayre, Camondo et les pianistes Lazare-Lévy (1882-1964) et Ernest Schelling (1876-1939) dans la salle des Degas vers 1904
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